Depuis quelques années, la communauté scientifique spatiale éprouve un intérêt croissant pour les trajectoires en direction des points de Lagrange, autour d’eux ou depuis eux. Ce problème à trois corps est en particulier un des modèles les plus étudiés, non seulement en mécanique céleste, mais également en mathématiques. Les premières missions d’exploration du système solaire comme Voyager ne nécessitaient qu’un modèle de tronçons de coniques pour calculer leur trajectoire. Alors que les missions interplanétaires devenaient plus contraignantes, (en ce qui concerne la consommation de carburant et la précision) une première conception approximative a été appliquée : une stratégie de lien entre plusieurs problèmes à deux corps. Ainsi, d’autres stratégies peuvent être préférées (comme le problème à trois corps, ou plus). De plus, certaines missions spatiales scientifiques ont profité des propriétés particulières des points de Lagrange. Les études théoriques des dernières décennies ont démontré les avantages des dynamiques non-linéaires pour les missions d’exploration spatiales.
Au début des années 1960 et 1970, R. Farquhar a publié les premiers articles sur l’utilisation des points de Lagrange colinéaires du système Terre-Lune, dont leur application pour les satellites de communication, les stations spatiales habitées sur une orbite de halo proche du point de Lagrange L2, mais aussi l’utilité des points de Lagrange pour l’exploration humaine du système solaire. Au-delà de l’étude de l’utilisation de la situation de ces points de libration, ces modèles s’intéressent à l’émergence de structures invariantes, comme les orbites périodiques ou quasi-périodiques et leurs variétés stables et instables. Ces structures invariantes permettent d’abord de concevoir des orbites par étapes aux alentours des points de Lagrange, puis d’établir des trajectoires de transfert à faible énergie entre la Terre, la Lune et les points de Lagrange. Cela a ouvert la voie à la conception de missions qui ont profité de ces structures invariantes pour minimiser la consommation de carburant au moyen de diverses stratégies : transfert indirect, « weak stability boundary » ou proche survol de la Lune, pour des transferts de la Terre vers L2 ou de la Terre vers la Lune.
Plus récemment, de nouvelles familles d’orbites ont apparu, comme les orbites QSO (Quasi-Satellite Orbit) pour la mission MMX de la JAXA, NHRO (Near Rectilinear Halo Orbit for the Lunar Orbital Platform Gateway) ou encore DRO (Direct Retrograde Orbit) respectivement pour les projet LOP-G et ORION de la NASA. Ces orbites présentent un fort intérêt opérationnel.